Retour vers l'article le plus récent du blogKandinsky note que
"la musique est l'art qui utilise ses moyens non pour représenter les phénomènes de la nature mais pour exprimer la vie spirituelle de l'artiste et créer une vie propre des sons musicaux".
Ma démarche relève d'une telle recherche. Non que j'assimile ma peinture à une "composition" musicale : il ne s'agit pas de "faire entendre" en donnant à voir - ce qui serait absurde et virtuellement perdu d'avance. En revanche, l'objectif est de
provoquer un sentiment, une émotion, en utilisant les moyens de la peinture sans imiter la nature. Et en réduisant les choses à l'essentiel.
Qu'elle s'appuie sur une abstraction géométrique ou - plus rarement - expressionniste, ma peinture est délibérément
silencieuse : loin d'une agitation extérieure génératrice d'interférences, elle cherche à provoquer un état de
calme et de
retour sur soi. En prenant le contre-pied d'un monde pressé mais amnésique, ma peinture parie sur l'instant présent : elle n'imite pas le passé ni ne propose de réponses pour l'avenir. Ces références et ces réponses sont en chacun de nous.
Plus qu’une simple image, trop informative, directive, ou trop rapidement décodable, chaque toile est un support à l’évasion,
une fenêtre ouverte sur un voyage intérieur. Elle ne se livre pas totalement à la première lecture et demande une certaine attention à son spectateur (à ce propos, il est important de noter que mon travail est très difficile à photographier… et encore plus à voir sur Internet !). Agnès Martin (1912 - 2004) disait de son travail : "
Quiconque est capable de s'asseoir deux heures face au désert pour simplement le contempler comprend ma peinture". Je reprendrai volontiers cette formule.
Ni représentatives ni totalement abstraites, mes peintures sont presque toujours inspirées par un lieu, un moment : à l'opposé de l'hyperréalisme sans être pour autant (à mes yeux) purement abstraites, on pourrait parler "d'
infraréalisme". Une démarche radicale, exigeante parfois, au service de l'émotion.
La technique développée ici repose sur la répétition de signes – le carré, la ligne - qui, par leur juxtaposition, créent une tension à la manière d'une trame d'imprimerie. On peut en ce sens être tenté de faire une comparaison avec la démarche de Roy Lichtenstein qui détourne les techniques de l'impression en produisant ses séries de "comics". Mais plus fondamentalement, on peut chercher un parallèle avec la
musique – encore une fois – et particulièrement avec la musique répétitive et la musique sérielle. C'est la répétition continue du "presque" même signe, sa quasi psalmodie, qui installe une ambiance, crée une vibration, installe une résonance.
Le choix de l’emplacement de la toile dans l’espace dans lequel elle est accrochée est déterminant : les sources de lumière la font vivre, provoquent des tensions, des reflets, des oppositions mat/satiné qui font partie intégrante de la composition. Chaque heure du jour, chaque changement de lumière nourrit différemment la toile, apporte un nouvel éclairage – dans tous les sens du terme - et provoque une nouvelle lecture.